Ouverte fin décembre, la campagne de vaccination contre la Covid-19 s’est accélérée ces derniers jours en France. Elle concerne en premier lieu les résidents en Ehpad, population naturellement vulnérable au virus, de part sa fragilité et les effets de la vie en collectivité. La mise en œuvre de cette vaccination sera longue, mais nécessaire et salutaire à long terme. Et si les réticences contre le vaccin s’avèrent moins importantes que dans le reste de la population, un important travail pédagogique préparatoire a été initié dès le mois de décembre. Pour les résidents comme pour leurs familles. Les explications du Dr Catherine Alvan, directrice médicale du groupe ACPPA, gestionnaire de plus d’une vingtaine d’établissements en Auvergne-Rhône-Alpes.

Quel a été l’impact de l’épidémie de Covid-9 sur vos établissements ?

Il fut relativement lourd, et l’est toujours. 90% de nos établissements ont été touchés. Les premiers frémissements remontent à la fin février 2020, soit près d’un an ! Ce fut une année compliquée et nous avons dû faire preuve d’agilité. Durant la première vague, nous avons appris à connaître l’épidémie, pour mieux adapter la prise en charge et l’accompagnement de nos résidents et de leurs familles. Nous avons ensuite eu à gérer le déconfinement, puis cette deuxième vague dont on ne se sort toujours pas, et dont la vie en collectivité amplifie l’impact.

Vaccination en Ehpad :

“des sujets à très hauts risques”

Ce contexte justifie donc que les résidents en Ehpad fassent partie des premiers vaccinés ?

On sait que les personnes âgées sont des sujets à très hauts risques. Que le taux de mortalité, très faible pour les enfants et les jeunes, monte au fur et à mesure de l’âge, jusqu’à atteindre 18 à 20% après 75 ans. La vaccination a donc pour rôle premier d’éviter les formes graves qui touchent les personnes âgées, et en particulier dans nos collectivités, où la contagiosité est plus difficile à maîtriser et où le virus circule énormément.

Les résidents en Ehpad sont-ils tous concernés par la vaccination ?

Il n’y a pas de critère d’âge, tous nos résidents sont en effet éligibles. Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé, les seuls contre-indications concernent les patients infectieux au moment de la vaccination, ou présentant des antécédents en allergies sévères. Il est également spécifié que le bénéfice de la vaccination n’est pas certifié en cas d’infection Covid remontant à moins de trois mois. Le résident infecté en octobre peut donc se faire vacciner s’il le souhaite, mais il ne sera pas prioritaire. En résumé, dans un établissement actuellement non touché par l’épidémie, 90 à 95% des résidents sont éligibles.

Plus de 70% de résidents favorables au vaccin

Les réticences à la vaccination sont-elles nombreuses ?

Il y en a de moins en moins, comme le révèlent nos prévisionnels de commandes de doses du vaccin, pour 70 à 75% de nos résidents éligibles. Au fur et à mesure de nos phases de vaccination, les plus réticents vont réfléchir et beaucoup finiront par se faire vacciner. Dans le premier établissement où nous avons vacciné, les 30 et 31 décembre, certains résidents qui avaient refusé par peur ou manque d’informations nous ont depuis donné leur accord. Il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie.

Êtes-vous confiante quant à la réussite de la vaccination ?

Oui, je suis très confiante car il y a un effet tâche d’huile. Les Français sont toujours très réticents à tout, mais avec le temps et l’envie de sortir enfin de cette épidémie, nous allons réussir à convaincre tous ceux qui présentent un risque élevé d’être hospitalisés. Cela nous permettra d’endiguer une part importante de la gravité de la maladie et, incidemment, son impact sur les hôpitaux.

Une heure pour vacciner six résidents

Comment organisez-vous la vaccination dans vos Ehpad ?

Cette organisation a été anticipée depuis la mi-décembre. Nous prévoyons une intervention de un à trois jours par établissement, en fonction du nombre de patients volontaires. Une équipe dédiée, avec un médecin et un infirmer, complète l’équipe de jour afin d’éviter une éventuelle rupture des soins courants. Les premiers retours révèlent qu’il nous faut une heure pour vacciner six résidents, dans la sécurité et le calme. On préconise dans l’idéal une salle avec six fauteuils relax et le matériel nécessaire, lorsque c’est possible. L’idée est d’éviter une vaccination en chambre, pour optimiser notamment le temps de surveillance post vaccinale recommandé pour éviter un éventuel choc anaphylactique.

La problématique du consentement, qui doit passer parfois par le tuteur du résident, a-t-elle été compliquée à gérer ?

Cette question du consentement a été réglée en amont, ce qui nous fait gagner un temps précieux. Dans 70% des cas, c’est relativement facile. Mais pour nos résidents qui, en raison de troubles cognitifs, n’en seraient pas capables, il nous a fallu informer les familles, leur apporter les informations nécessaires. Mais lorsque le résident est d’accord, il y a très peu de familles ou de tuteurs qui se prononcent contre son avis.

Comment gérez-vous la logistique d’approvisionnement du vaccin ?

Les dates ont été fixées avec les Agences Régionales de Santé. Selon le programme établi, nos pharmacies ont commandé les flacons nécessaires cinq jours à l’avance. La vaccination commence le jour de la livraison, voire le lendemain. Nous avons trois jours maximum pour vacciner les résidents. C’est la problématique du vaccin Pfizer/BioNTech, difficile à conserver. Au fur et à mesure de l’arrivée des autres vaccins, plus souples, on gagnera du temps et il sera sans doute plus facile de vacciner au fil de l’eau. En l’état, j’estime que nous devrions avoir terminé la vaccination de nos résidents mi-mars.

Les résidents “plus impatients” que le personnel

On évoque une certaine réticence d’une partie du personnel en Ehpad: est-ce une réalité ?

L’adhésion au vaccin est très ”équipe dépendante”. Malgré une communication intense, il suffit parfois d’une personne réfractaire au vaccin pour démotiver une équipe. Il reste du monde à convaincre, d’autant que la moitié de nos personnels ont moins de 50 ans et, de fait, se sentent moins concernés. Mais l’exemplarité va faire des petits et la dynamique va s’enclencher. En attendant c’est un fait : nos résidents sont plus impatients que nos personnels !

Quelles perspectives attendez-vous de cette vaccination?

Nous espérons tous revenir enfin à plus de vie dans nos établissements. Cela n’est pas pour tout de suite, d’autant que nous sommes dans le rebond post fêtes de l’épidémie. Mais nous avons l’espoir de retrouver un quotidien sans distanciation physique, de revoir les familles, de reprendre un accompagnement de soins et de vie qui ne soit pas uniquement consacré à la prévention d’une infection au Covid. Peut-être que ce sera enfin le cas, autour des mois de mai ou juin.