Les télétravailleurs travailleraient-ils davantage ? C’est en tout cas ce qu’avance une étude de la Dares. Prouver son efficacité à domicile, profiter de la concentration optimale… mais comment faire pour « couper » et déconnecter afin de profiter de ses journées de travail à domicile pour vraiment gagner en équilibre de vie pro et perso ?
Utiliser ses deux heures de travail gagnées dans les transports pour… travailler ?! C’est ce que ferait une partie des télétravailleurs français. Selon la dernière étude de la Dares (Direction des études et des statistiques) sur le sujet, intitulé Le télétravail permet‑il d’améliorer les conditions de travail des cadres ?, « le télétravailleur a tendance à travailler plus ».
Ceux qui pratiquent le télétravail deux jours ou plus par semaine, aussi appelés « télétravailleurs intensifs », travaillent en moyenne 43 heures par semaine, contre 42,4 heures pour les non-télétravailleurs. Ils déclarent aussi deux fois plus souvent que les autres travailler plus de 50 heures par semaine. Leurs horaires sont également plus atypiques (travail après 20 heures ou le samedi) et moins prévisibles rapporte l’étude.
« Un vrai bureau, ça change tout ! »
Olivier Brun, le fondateur du cabinet Greenworking qui conseille les entreprises sur les nouvelles formes de travail note immédiatement un biais. « Le blurring (la disparition de la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle, ndlr) n’est pas propre au télétravail mais devient plus général avec les mails, les téléphones portables, l’accès aux outils de travail peu importe où l’on soit. Le télétravail l’encourage, en permettant de ramener du travail à la maison, mais n’en est pas la cause », analyse-t-il. D’autant que les cadres représentent près de 60% des télétravailleurs réguliers.
Il n’empêche, pour tous ceux qui apprécient le télétravail pour la concentration accrue qu’il permet, pour les heures de sommeil gagnées le matin, pour la possibilité de déjeuner/faire les courses/ étendre une lessive/ voir des amis entre midi et deux, mais oublient de faire des pauses, laissent passer l’heure de déjeuner, voire de déjeuner ou oublient carrément de se déconnecter en fin de journée, instaurer des limites aurait du bon.
« Je télétravaille depuis dix ans et c’est vrai qu’il faut s’imposer un cadre », acquiesce Olivier Brun. « Je pense notamment que travailler à la maison si les enfants sont présents n’est pas une bonne idée : ils demandent de l’attention et l’on culpabilise de ne pas leur offrir, tout en n’étant pas à 100% à son travail, ce qui crée de la frustration », cite-il en exemple.
Pour Agnès, qui travaille pour deux associations, de chez elle en Bretagne, la tendance à oublier les horaires est réelle mais elle a appris à s’imposer un peu de rigueur après quinze ans de fonctionnement parfois chaotique : « J’ai désormais un vrai bureau que je peux quitter pour faire une pause ou terminer ma journée ».
Un travail plus intense… mais une organisation personnelle plus simple
Sarah, coordinatrice de programmes à l’Insead de Fontainebleau, a, quant à elle, choisi de ne faire du télétravail que ponctuellement pour, justement, ne pas se laisser déborder par le travail à domicile. « Il est vrai que je suis bien mieux concentrée chez moi, mais j’ai tendance à déjeuner tard car je suis complètement « focus » et j’en oublie même de m’arrêter. A la fin de la journée, je me rends compte que j’ai effectué bien plus de tâches que lors d’une journée lambda au bureau : les repères temporels changent totalement », reconnaît-elle. « Mes horaires sont aussi plus flexibles à domicile car je n’ai pas la contrainte de prendre la navette pour rejoindre la gare et comme je travaille dans un open space de 30 personnes, très bruyant et où je suis constamment sollicitée, être chez moi me repose énormément. C’est l’avantage : j’évite la fatigue due aux transports (+2h par jour) et le fait de travailler plus est compensé par le meilleur équilibre permis avec la vie personnelle ces journées-là. » Elle s’autorise, par exemple, à caler un rendez-vous chez le médecin pendant sa journée de télétravail, à faire des courses ou bien à prendre un train à la fin de la journée pour partir en weekend… « Pour me limiter, je m’impose notamment un horaire de fin de journée (ex: à 18h00 je ferme mon laptop!) », illustre-elle.
Aller chercher le pain à 18h pour marquer la fin de journée
Olivier Brun conseille aussi, pour cloisonner sa vie personnelle de sa vie professionnelle, de mettre en place des rituels de début et fin de journée. « Par exemple, le matin, certains sortent comme s’ils allaient prendre leur bus pour démarrer la journée, ou vont acheter le pain à 18h pour marquer la coupure. Evidemment l’ordinateur doit être éteint avant pour ne pas être tenté de vérifier ses mails le soir. » Pour lui, notifier aux collègues ses plages de travail sur un agenda est aussi important.
« Moi je m’arrête de travailler à 17h30 pour récupérer ma fille à l’école quand je suis à la maison, mais je m’y remets de 20h30 à 22h30, c’est atypique, mais cela fait partie des nouvelles formes de travail fractionnées. Je sais que certains arrêtent de travailler le vendredi à 15h mais s’y remettent pendant que leurs enfants sont au sport le samedi matin… ». La pratique collective est aussi clé. « Le manager doit donner l’exemple et les équipes doivent être au fait des règles de déconnexion même si chacun peut imaginer son rythme. » A une condition : ne pas le subir.
Enfin, pour ceux qui ont du mal à se cadrer par eux-mêmes, les notifications de rappel, à heures fixes, pour se déconnecter peuvent être utiles. A la sonnerie, on ferme son ordinateur et la porte de son bureau. « Le cloisonnement technologique est important : il faut marquer la fin de la journée, pour soi-même et son entourage », encourage Olivier Brun.
source : My Happy Job