Quand faut-il dire non à un résident ? Jusqu’où respecter un choix qui met en danger ? Que faire quand la famille refuse une hospitalisation nécessaire ? Ce sont des questions qui bousculent, qui dérangent. Et qui, surtout, ne trouvent jamais de réponse simple. Au sein de l’ACPPA, un nouveau comité d’éthique vient d’être mis en place pour apporter un cadre de réflexion et d’aide à la décision sur ces sujets délicats.
Rencontre avec deux membres du comité :
- Dr Elisabeth GASIOT, Gériatre et Directrice Médicale du Groupe ACPPA
- et Marie-France CALLU, administratrice du Groupe ACPPA et Maître de conférence en droit à l’université de Lyon.
Un comité d’éthique, pour quoi faire ?
L’éthique, ce n’est pas juste une posture. Vous allez devoir trancher sur des cas concrets et parfois douloureux. Pourquoi avoir ressenti le besoin de créer ce comité maintenant ?
Il ne s’agit pas de la création d’un nouveau comité d’éthique, mais de la refondation d’un groupe qui existait auparavant, afin d’en modifier la composition pour faire entrer plus de personnes extérieures à l’ACPPA, choisies en raison de leurs compétences très diverses et d’enrichir la démarche interdisciplinaire.
Quels étaient les premiers dossiers à traiter ? Un cas précis vous a-t-il frappé au point de se dire : « Là, il nous faut un cadre » ?
La création de ce comité est en cours de finalisation et n’a pas encore pu faire l’objet d’une saisine. Notre premier sujet de travail est un thème bien présent dans nos établissements et au domicile : « la sexualité des personnes âgées ».
La question du consentement des personnes âgées en perte d’autonomie est un casse-tête. Peut-on réellement parler de libre choix quand on est vulnérable ?
La perte d’autonomie peut prendre des formes très diverses, qu’elle soit physique et/ou mentale. Cette perte d’autonomie peut faire disparaître la capacité à s’engager juridiquement, c’est-à-dire à exprimer un consentement ou un refus. Mais la perte d’autonomie ne fait pas disparaître la volonté des personnes concernées, quel que soit leur état, la difficulté pouvant tenir à comprendre ce qui est exprimé. Éthiquement et juridiquement il est donc essentiel de maintenir une communication adaptée avec les personnes âgées pour leur permettre d’exprimer ce qu’elles veulent, quel que soit le moyen d’expression. Pourra-t-on considérer que ce choix est libre ? Il faudra s’interroger sur ce qui peut porter atteinte à cette liberté : volonté contradictoire d’une famille ou de proches, ambiguïté sur les réponses données, situation pathologique rendant impossible toute explication…
Le comité en action : des décisions sous tension
Vous réunissez des professionnels, comment ces différents points de vue s’articulent-ils ?
Nous sommes 8 membres d’horizon totalement différent. Les différents points de vue s’articulent par l’écoute attentive et confiante de ce que les autres membres expriment, par la certitude que personne ne détenant la vérité, il est essentiel de tenter de l’approcher ensemble, par l’humilité personnelle dans la démarche, par la nécessité de prendre du temps sur chaque situation et de ne pas vouloir aboutir à tout prix en fonction de l’heure.
L’impact sur le terrain : une éthique vécue, pas théorique
Ce comité, ce n’est pas un cénacle de sages hors sol. Comment s’assurer que vos réflexions ne restent pas théoriques, mais qu’elles influencent vraiment les pratiques des soignants ?
L’une des missions de notre comité est d’aider à la diffusion de la culture éthique dans tous les établissements et auprès de tous les professionnels de notre groupe. Cela signifie deux points principaux : tout d’abord de travailler sur les méthodes de transmission de cette démarche (à la fois par des formations, des écrits, des journées d’études, la rédaction d’avis et de recommandations…), mais également par l’analyse des conséquences de ces actions (créations de comités d’éthique dans des établissements ou entre des établissements qui n’en n’ont pas encore, augmentation des demandes de formation à l’éthique, saisines de notre comité sur des questions transversales…).
Ne pas rester « hors sol » implique, pour notre comité, de multiplier les initiatives à destination des professionnels et de répondre, le plus rapidement et le plus concrètement possible, aux sollicitations qui nous sont adressées.
Peut-on imaginer un jour un « référent éthique » dans chaque établissement, un peu comme on a un médecin coordonnateur ?
Il faut être prudent avec cette notion de « référent éthique ». Dans les entreprises, il existe déjà différents référents prévus par les textes : référents handicap, numérique, harcèlement, qui vont expliquer les textes et orienter les personnes concernées vers les bons interlocuteurs. Par nature, un avis éthique ne peut se construire que par une discussion entre un nombre suffisant de personnes permettant de faire émerger des points de vue différents. Si le référent éthique est considéré comme la personne à laquelle les professionnels peuvent s’adresser pour obtenir tout de suite une réponse éthique, cette pratique ne sera pas éthique car la réponse, si bienveillante soit-elle, ne correspondra qu’à l’avis d’une personne. En revanche, si le référent éthique accompagne les professionnels dans la saisine d’un comité d’éthique et les aide à formuler leur questionnement éthique, cette mission sera essentielle.
Si vous deviez définir la réussite du comité d’éthique dans un an, qu’aimeriez-vous pouvoir dire ?
Que les membres de ce comité ont approfondi leur manière de travailler ensemble, que ce comité a commencé à vraiment diffuser l’importance de l’éthique dans tous les établissements, que tous les professionnels, les résidents et leurs familles se sentent concernés et aidés par l’existence de ce comité.