Englué dans la gestion de l’accompagnement au quotidien, le secteur médico-social s’est peu emparé de la question du développement durable. Avec la crise énergétique, elle devient une urgence. Mais elle pourrait bien être aussi une opportunité.
Le développement durable est-il compatible avec le secteur médico-social ? Il s’agit de l’une des questions un peu provocatrice posée le 16 septembre par Nexem à La Mêlée, son colloque organisé à Nantes (Loire-Atlantique). Comment les structures du secteur peuvent, au quotidien, intégrer les impératifs mais aussi les opportunités que représentent les nouvelles exigences en termes de développement durable ? Stéphane Pardoux, directeur général de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), plante le décor. « Le sens de nos métiers c’est de soigner les plus fragiles. Il y a une connotation durable évidente mais nous sommes très en retard dans les méthodes de développement durable que ce soit sur les aspects écologiques ou managériaux. »
Inscrire les mesures d’urgence sur le long terme
« Nous ne sommes pas en avance parce que la réalité de l’accompagnement, les exigences réglementaires et statutaires sont tellement lourdes, qu’il est très difficile pour un dirigeant de se projeter sur le très long terme quand il y a une telle urgence du quotidien à gérer », poursuit Stéphane Pardoux. Pour autant, sur le court terme, le développement durable rattrape les directions. Avec le changement climatique et les problèmes d’approvisionnement en énergie, travailler sur la performance énergétique devient une nécessité. L’urgence est identique avec la crise de l’attractivité qui risque encore de s’amplifier avec le retour du plein emploi. « Qui a envie d’avoir un métier à suggestion quand il est possible de faire autrement ? Il va falloir être encore plus performant, plus innovant, sur les méthodes de management », ajoute le directeur de l’Anap.
« Il faut à la fois agir dans l’urgence et inscrire ces actions d’urgence dans une perspective de long terme« , ajoute Yannick Blanc, vice-président de La Fonda. Sur le temps long, il invite les associations à s’emparer des objectifs de développement durable (ODD). Cet outil développé par les Nations-Unies en 2015 est pour lui est une formidable innovation. « Ce n’est ni un traité, ni une norme, ni une directive, c’est un cadre d’action collective systémique adaptable et utilisable à tous les niveaux. D’une nation à une petite association, chacun peut se fixer des objectifs d’atteinte des ODD« . « Le développement durable ne concerne pas que les directions. Les personnels, surtout la jeune génération, manifestent un intérêt à agir, les personnes accompagnées également, même si cela est moins vrai dans le secteur sanitaire que dans le secteur médico-social« , ajoute Antoine Perrin, directeur de la Fehap.
Des leviers à actionner
Tous s’accordent sur la question de la masse critique. « L’empreinte carbone d’un gros établissement est très forte, d’autant plus s’il est dans le secteur sanitaire avec un bloc opératoire et un laboratoire qui sont très énergivores. Dans un petit établissement, les leviers d’actions sur les économies d’énergie sont beaucoup plus locaux et semblent plus atteignables. Paradoxalement une petite association, surtout si elle est mono-établissement, aura moins de moyens pour y parvenir : moins de trésorerie donc pas assez de capacité pour investir dans l’isolation par exemple, pas de compétences disponibles dans les fonctions supports. Des compétences reconnues par les tutelles qui aident à lever des fonds« , poursuit Antoine Perrin.
Stéphane Pardoux reconnaît que l’Anap pousse au regroupement pour ces raisons mais rappelle que l’agence a déployé dans toute la France des conseillers en transition énergétique et écologique en santé (CTEES, lire notre article). Sur les 151 postes annoncés en mai, 40 sont d’ores et déjà opérationnels. « Requestionnez vos opérations d’investissements si vous en avez, ajoute-t-il, car la crise va durer. » Il invite également les établissements à réfléchir sur la politique d’achats, la gestion des déchets, le poste déplacement (modernisation des flottes, rationalisation des plans de déplacement). L’Anap va d’ailleurs publier d’ici quelques semaines un guide sur le verdissement de la flotte électrique. Enfin, le développement durable passe par un management de plus en plus participatif. « Notre culture n’est pas assez basée sur le participatif, sur des méthodes de management qui engagent les personnels », conclut-il.