Avec près de 50 événements en France en avril et mai pour informer et soutenir les malades ainsi que leurs proches, France Parkinson souhaite mobiliser l’opinion sur la maladie, un enjeu majeur de santé publique qui n’est pourtant pas perçu comme une cause à défendre pour les Français. Elle s’appuie sur deux sondages menés avec Opinionway, visant à explorer la perception de Parkinson par le grand public et le vécu des patients quant au regard qui est porté sur eux, à la prise en charge de leur maladie et aux répercussions qu’elle a sur leur vie quotidienne.
Le repérage de la maladie : l’éclairage du Docteur Christine Brefel-Courbon, neurologue, pharmacologue et vice-présidente du Comité scientifique de l’association France Parkinson : le diagnostic est en effet difficile à poser : la maladie de Parkinson est une maladie chronique, d’évolution lente et progressive, dont le début est insidieux ».
Et de préciser : « la phase préclinique de la maladie, avant l’apparition des premiers symptômes, dure généralement plusieurs années. Pendant cette période, le cerveau compense la baisse de dopamine par des processus de plasticité, permettant un fonctionnement cérébral normal. Les patients restent asymptomatiques jusqu’à ce que 50 à 70% des neurones à dopamine soient détruits et que le cerveau ne soit plus en mesure de compenser ».
2. La réévaluation des traitements est très fréquente chez les malades de Parkinson, près de 90% d’entre eux sont ainsi concernés depuis la pose de leur diagnostic. Des changements médicamenteux sont déjà intervenus près de 3 fois en moyenne pour un patient avant ses 5 ans de maladie, 5 fois entre 6 et 10 ans, 7 fois entre 11 et 15 ans et plus de 10 fois après 15 ans de maladie…
Ces réévaluations sont nécessaires pour que le traitement continue à être efficace mais elles peuvent engendrer des répercussions. Plus de 8 malades sur 10 concernés par des modifications de traitements rapportent de nouvelles contraintes pesant sur leur quotidien, en raison notamment :
• De prises de médicaments plus nombreuses dans la journée (49% d’entre eux)
• D’un plus grand nombre de médicaments à prendre (44%)
• De changements d’heures des prises (41%)
Ces modifications des habitudes peuvent générer de l’anxiété mais aussi entrainer des erreurs lourdes de conséquences. Les traitements médicamenteux anti-parkinsoniens doivent en effet être pris de manière très rigoureuse, en termes de posologie comme de fréquence (à heures fixes), pour être efficients et assurer la régulation des troubles moteurs.
Par ailleurs, l’adaptation au nouveau traitement peut prendre du temps et entrainer plus d’effets
secondaires, c’est le cas pour 28% des personnes concernées.
Dr Marc Ziegler : extrait du dossier sur les traitements médicamenteux du magazine l’écho de France Parkinson (numéro 150) : « à un moment ou à un autre, on procèdera à des associations médicamenteuses (L-Dopa, agoniste dopaminergique, IMAO, ICOMT…). Avec l’apparition des fluctuations, la stratégie thérapeutique se modifie avec le rapprochement des prises dans la journée pour limiter les effets de « fin de dose ». On passe ainsi d’un traitement par « imprégnation » en début de maladie à un traitement « au coup par coup ».
3. Au-delà des traitements médicamenteux, les patients ne bénéficient pas encore assez d’une prise en charge pluridisciplinaire intégrant les approches paramédicales, dont on sait qu’elles permettent pourtant d’améliorer significativement la qualité de vie, ces interventions devant être proposées le plus précocement possible.
– 28% d’entre eux ne sont pas suivis par un kinésithérapeute et 71% restent sans suivi orthophonique alors que plus de la moitié des malades (58%) rencontrent par exemple des difficultés pour parler. Ils sont un peu plus nombreux à en bénéficier après 10 ans de maladie mais cela reste insuffisant : l’absence de suivi en kinésithérapie concernent encore 22% de ces derniers, la non prise en charge par un orthophoniste 64% !
• L’ergothérapie est également anormalement absente du parcours de soin, y compris chez les personnes malades depuis plus de 15 ans (4% d’entre elles seulement en bénéficient) alors même que l’on sait que la perte d’autonomie va de pair avec la progression de la maladie.
C’est notamment une approche thérapeutique clé pour adapter le logement afin de permettre le maintien des personnes à domicile et ainsi bien souvent éviter le placement en établissement. L’ergothérapie n’est malheureusement pas remboursée par la sécurité sociale. Les neurologues semblent ne pas être encore suffisamment prescripteurs de ces approches paramédicales.
Une proportion non négligeable de malades n’a ainsi pas été adressée à ces thérapeutes par le neurologue (ils l’ont alors été par le médecin généraliste, un autre professionnel de santé ou ont consulté de leur propre initiative). Cela concerne : 45% des malades pour la kinésithérapie ; 42% pour l’orthophonie et 56% pour l’ergothérapie.
Les neurologues pourraient prescrire plus systématiquement encore ces approches paramédicales et jouer un rôle plus central dans la coordination de ces traitements.
L’ergothérapie, à quoi ça sert ?
Elle vise à faire en sorte que les occupations du quotidien puissent être réalisées de façon sécurisée et autonome par la personne malade.
L’ergothérapeute peut agir :
• sur la personne et sur ses capacités (habiletés motrices, etc.),
• sur l’environnement de celle-ci (en l’adaptant, le modifiant ou en ajoutant certains éléments)
• sur les occupations qu’elle souhaite maintenir ou développer.
Il peut intervenir de différentes manières :
• en proposant des exercices de rééducation,
• en mettant en place des aides techniques et des aménagements.
V- Parkinson, le suivi médical doit encore progresser
1. Les patients sont quasiment tous suivis par un neurologue et se disent, pour la grande majorité d’entre eux (80%) satisfaits de leur suivi médical avec ce médecin référent. Près de 20% des patients le jugent toutefois inadapté, ce qui reste beaucoup.
2. Lorsque le suivi n’est pas considéré comme adapté, c’est d’abord en raison des traitements pas assez rapidement réajustés aux évolutions de la maladie (40%), d’un manque d’écoute des besoins de la part du neurologue (34%), et enfin d’une fréquence des consultations jugée insuffisante (32%).
Compte-tenu des effets délétères des ruptures ou inadéquations de soins pour les personnes malades, il est capital que ces professionnels de santé gagnent en expertise et en agilité pour être en capacité d’assurer un suivi des patients opérant.
La maladie doit être :
• comprise dans toutes ses dimensions (les symptômes sont nombreux et fluctuants)
• suivie de manière très régulière pour pouvoir en évaluer la progression mais également pour s’assurer du maintien d’efficacité ou non des traitements.
Pistes d’amélioration pour un traitement plus adapté
• Généraliser l’éducation thérapeutique du patient (ETP), pour permettre à la personne malade de mieux interagir avec son neurologue et la rendre plus autonome dans la prise en charge de sa maladie.
• Accompagner le transfert de compétences des Centres Experts Parkinson (25 en France) vers les
neurologues de ville.
Education thérapeutique du patient (ETP) : le point de vue du Docteur Christine Brefel-Courbon : « avec l’ETP, le patient acquiert des compétences et devient capable de réagir en cas de problème. Il discute avec son neurologue et prend désormais en charge une partie de sa maladie. Comme nous le disent nos patients, l’ETP est aussi importante que la découverte d’une nouvelle molécule ! ».
Et de poursuivre : « un article paru dans la littérature international sur l’amélioration par l’ETP de
la qualité de vie des patients évoque le coût-efficacité de cette pratique qui ne génère que peu de dépenses supplémentaires pour l’État. Enfin, le numérique, en complément du présentiel, doit contribuer à enrichir les programmes et élargir leur diffusion au plus grand nombre. On a désormais les moyens de s’orienter, en partie sous l’effet de la crise sanitaire, vers des programmes hybrides d’ETP conjuguant présentiel et distanciel ».
3. Pour 7 patients sur 10, la fréquence de consultation moyenne est d’une fois tous les 6 mois, une fréquence souvent suffisante lorsqu’aucun changement ne survient et que le traitement est installé, mais une nécessité de consulter plus fréquemment dans deux cas de figure :
• Après l’annonce du diagnostic et la mise en place du premier traitement
• Au stade où apparaissent les fluctuations motrices
En cas d’urgence, le médecin généraliste doit pouvoir recevoir le patient et se mettre en relation
avec le neurologue.
VI- Parkinson, un handicap peu reconnu et une difficulté à faire valoir ses droits
1. Il est étonnant de constater que 70% des personnes ayant la maladie depuis plus de 10 ans ne bénéficient pas d’une reconnaissance de handicap sachant que la maladie de Parkinson constitue la 2ème cause de handicap moteur après les AVC. Si cette reconnaissance n’est pas nécessaire dans les premières années de la maladie, le caractère neurodégénératif de la maladie induit nécessairement une perte d’autonomie à terme.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer, sans toutefois la justifier, cette absence de reconnaissance :
– La limite d’âge à 60 ans exclut d’emblée les personnes qui ont été diagnostiquées après 60 ans. Ces dernières ne pourront plus obtenir le statut de personne handicapée octroyée par la MDPH ; on parle ensuite de perte d’autonomie liée à la vieillesse, alors que l’apparition du handicap n’est en rien corrélée à l’âge de la personne. Ainsi, seules 30% des personnes sondées en disposent, dont 25% MDPH et 6% RQTH.
– Le caractère évolutif de la perte d’autonomie empêche toute systématisation des démarches. Contrairement à un handicap lié à un AVC, à un accident de la route ou encore à une maladie neurodéveloppementale qui apparaît immédiatement, l’apparition du handicap lié à Parkinson se fait de manière progressive mais aussi aléatoire selon l’ancienneté de la maladie, le degré d’atteinte du malade, l’efficacité de ses traitements etc.
– Les personnes malades de Parkinson, qui sont prises en charge sur le plan sanitaire depuis le
début de leur maladie, n’ont pas forcément de repères dans le champ du handicap et du médico-social en général. Les démarches pour faire valoir leurs droits sont par ailleurs complexes sur un plan administratif.
– Il existe chez certains malades une forme de déni, l’acceptation du handicap équivalant pour eux à une forme de renoncement à lutter contre la maladie. Ce qui les empêche d’entamer les démarches administratives souvent longues qui sont nécessaires pour la reconnaissance du handicap.
– Les pratiques de la MDPH peuvent sensiblement varier d’un département à l’autre. Nombre de demandeurs se plaignent régulièrement des difficultés qu’elles ont à faire valoir leurs droits auprès de cet organisme selon leur lieu de résidence.
2. Le peu d’aides humaines et financières qui sont accordées aux malades est plus préoccupant
encore :
• Après 10 ans de maladie, 2/3 des patients ont besoin d’une aide humaine pour accomplir leurs tâches
quotidiennes. Cette aide est dans les faits majoritairement assurée par un proche aidant (pour près de 6 patients sur 10), lequel vient compenser le besoin et limiter le recours à une aide extérieure. Seuls un peu plus de 2 patients sur 10 disposent ainsi d’une aide à domicile.
• De la même manière, 70% des personnes malades depuis plus de 10 ans déclarent ne pas bénéficier d’aides financières. Elles ne sont ainsi que 30% à bénéficier de prestations/allocations à un stade avancé de la maladie (APA pour 27% de ces répondants, PCH pour 9% d’entre eux et AAH10 pour 3%, certaines de ces aides pouvant se cumuler).
Là encore, la présence de l’aidant vient diminuer pour partie ces besoins. Parmi les 60% de répondants qui n’expriment pas le besoin de recourir à des aides financières (tous stades de la maladie confondus), on observe que 35% sont aidés par un proche…
Pistes de réflexion pour une attribution des droits en matière de handicap plus juste et moins complexe :
• Supprimer la limite d’âge pour la reconnaissance de handicap par la MDPH, une majorité des patients parkinsoniens devenant handicapés après 60 ans sans que cela ne puisse être attribué à leur âge (situation qui vaut d’ailleurs pour l’ensemble des maladies neurodégénératives),
• Créer un guichet unique qui serait en mesure de centraliser les demandes d’aides et qui assurerait
la coordination avec la MDPH (aides liées au handicap) et le Conseil départemental (aides liées à l’autonomie vieillesse),
• Inciter les neurologues à orienter les patients vers les organismes référents dès lors qu’ils
observent une perte d’autonomie,
• Procéder à l’envoi systématique d’un bulletin d’information relatif aux droits pour les personnes
touchées par la maladie depuis plus de 5 ans (aménagements au travail, adaptation du domicile,
différentes aides et conditions d’accès, dispositions fiscales, pension d’invalidité, retraite…).
*Etude réalisée en ligne du 25 janvier au 2 février 2022 auprès d’un échantillon de 1001 Français âgés de 18 ans et plus, représentatifs en termes de sexe, d’âge, de CSP et de région. + Etude réalisée en ligne du 24 janvier au 25 février 2022 auprès d’un échantillon de 3579 Français atteints de la maladie de Parkinson.
Source : SeniorActu