Laure Marmilloud, infirmière en équipe mobile de soins palliatifs à Lyon, livre ici ce que lui inspire le travail et la créativité des soignants face à cette situation.
» A situation exceptionnelle, solidarité exceptionnelle ? »
« Solide comme solidarité ? En ces jours de lutte effrénée contre une épidémie qui se répand à toute allure sur le territoire de France et ailleurs, les soignants sont forts de la solidarité déployée entre eux et avec la société toute entière. Au moment où chacun éprouve sa propre vulnérabilité et n’est assuré de rien, où chacun partage une inquiétude pour des proches et est appelé à sortir de sa « zone de confort », c’est bien l’expérience de la solidarité obligée ou inventée au fil des jours voire des heures qui permet de garder le cap. Même la structure hyper hiérarchisée de l’hôpital est ébranlée pour laisser place à des expériences de coude à coude plus horizontales où l’humaine solidarité devient la grammaire commune. A situation exceptionnelle, solidarité exceptionnelle ? C’est bien ce à quoi nous assistons à tous les étages, dans tous les rouages et ce à quoi nous collaborons à partir de nos compétences respectives. Parmi les messages à retenir, lorsque la vie ordinaire aura repris ses droits, on aimerait voir gravé celui-ci partout où l’on soigne, où l’on accompagne : « nous resterons debout en étant solidaires ». La solidarité puise sa force brute dans le sol de la commune humanité, elle est un ciment souple qui permet de faire tenir le tout et de le constituer comme un ensemble. En mécanique, ce terme solidaire s’applique à des pièces liées dans un même mouvement. Pour les heures et les jours à venir gardons à l’esprit que la solidarité est moins un état qu’une dynamique. Une fois que l’on entre dans le mouvement, celui-ci nous porte à son tour. Nous faisons une expérience proprement humaine, fondamentalement humaine : celle de pouvoir donner et de pouvoir recevoir. Nos mains de soignants se souviennent qu’il y a là deux actes indissociables en lesquels se noue toute relation. Ces mains qui à la fois portent secours et demandent de l’aide racontent ni plus ni moins l’aventure humaine en laquelle nous sommes tous et toutes engagés ».